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J.-M. Ayrault : un mort qui marche...

Jean-Marc Ayrault : un mort qui marche

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Le 9 novembre 2013    (BOULEVARD VOLTAIRE) 

Dominique
Jamet
Journaliste et écrivain.
I
l a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.
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Populaire ou décrié, aimé ou haï, admiré ou méprisé, bon ou mauvais, très bon ou très mauvais, extrêmement bon ou extrêmement mauvais, le président de la République est là pour cinq ans, quoi qu’il arrive. Tranquille et sûr de ses arrières. En principe.

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l n’en est pas de même du Premier ministre. Bon – trop bon ? – ou mauvais – trop mauvais ? –, assez populaire pour faire de l’ombre au Président ou trop transparent pour protéger celui-ci, ruant dans les brancards et tirant sur sa laisse ou filant doux, docile aux injonctions, et baissant la tête sous les brocards et les tomates, accablé de travail et d’injures, le Premier ministre, sous la Ve République, est corvéable à merci et révocable ad nutum.

Avant Jean-Marc Ayrault, Chaban-Delmas, Rocard, Fillon, Édith Cresson ou Jean-Pierre Raffarin ont gravi le même calvaire – certains ont même parlé d’enfer – et, comme eux, l’ancien maire de Nantes est voué à boire jusqu’à la lie le calice plein de fiel et de traîtrise qui est le breuvage le plus couramment servi aux locataires de l’hôtel Matignon.

 

La question, depuis quelques semaines, n’est plus de savoir si l’actuel Premier ministre est sur un siège éjectable, mais seulement de se demander à quelle échéance, après quel nouveau couac, quel nouveau recul du gouvernement, quel scrutin défavorable ou désastreux ce loyal serviteur d’un maître ingrat par tempérament ou par destination se verra signifier son congé.

 

Sapin ? Valls ? Aubry ? Bartolone ? Tandis que les médias cherchent à lire dans le marc de café de la politologie le nom du successeur de Jean-Marc Ayrault et débattent de l’inflexion nouvelle que celui-ci pourrait imprimer à un quinquennat bien mal parti, les ministres, et singulièrement ceux d’entre eux qui ne se cachaient guère de refuser ou de contester l’autorité du premier d’entre eux, ont déjà enterré le malheureux. Celui-ci se cherche déjà un point de chute, cet autre se réfugie dans un silence dont on ne sait trop s’il est boudeur, prudent, lourd de signification ou tout cela à la fois, un troisième refuse ostensiblement de s’asseoir à côté du réprouvé. Tel bon camarade qui, en sortant de la neutralité que lui imposaient ses fonctions, s’est un peu prématurément découvert joue maintenant les bons élèves, les bras croisés à son perchoir. Telle autre qui s’était depuis des mois repliée sur sa ville en faisant hautement savoir qu’en dehors de son stade, de sa brasserie et de ses frites elle n’avait aucun autre centre d’intérêt se garde bien de démentir ceux de sa faction qui rappellent qu’elle ne saurait accepter d’autre poste que celui qui sera bientôt vacant.

 

Jean-Marc Ayrault est désormais dans la situation d’un homme encore vivant dont les proches aussi bien que les adversaires discuteraient librement, en sa présence, de la date, du déroulement et des suites de ses obsèques. On peut également penser à ces hommes contre qui, en Sicile ou en Calabre, le crime organisé a prononcé une sentence de mort, dont le public et bien souvent eux-mêmes n’attendent plus que l’exécution. La Mafia ou la ‘Ndrangheta les appellent des « morts qui marchent ». Jean-Marc Ayrault est un mort qui marche.

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